Par Oscar Roque, vice-président adjoint, Innovation et Solutions en émergence
En 2018, le gouvernement fédéral a entamé des entretiens pour envisager l’instauration d’un système bancaire ouvert au Canada. Plus de 100 soumissions écrites, provenant d’un vaste éventail de parties prenantes, ont contribué à la production du rapport publié en février 2020 par le Comité consultatif sur un système bancaire ouvert et intitulé « Les finances axées sur les clients : le futur des services financiers ». Tout récemment, j’ai eu l’occasion de participer à la deuxième phase des études de ce Comité concernant les mérites d’un système bancaire ouvert.
Un système bancaire ouvert (anciennement connu sous le nom de « finances axées sur les clients ») désigne le cadre accordant aux consommateurs et aux entreprises le plein contrôle de leurs données financières, soit la façon de les utiliser et la capacité d’autoriser l’accès à ces dernières, de superviser cet accès et de le révoquer. Ce système s’inscrit dans le cadre d’un virage plus large vers une économie qui reconnaît le droit de propriété et de contrôle des particuliers et des entreprises à l’égard de leurs données.
À titre d’exemple de ses possibilités, un système bancaire ouvert pourrait permettre aux consommateurs et aux entreprises d’obtenir des capitaux et des prêts assortis de taux concurrentiels qui tiennent compte de ce qui offre le meilleur rapport qualité-prix pour l’emprunteur. Les petites entreprises canadiennes pourraient aussi tirer parti d’un tel système, qui leur permettrait d’autoriser sécuritairement leur logiciel de comptabilité à accéder à leurs données transactionnelles pour faciliter la préparation automatisée de leur déclaration de revenus, par exemple. Bien que ces types de services soient actuellement offerts de façon restreinte, un système bancaire ouvert en accélérerait l’utilisation en raison de la sécurité et de la transparence accrues liées au partage de données financières, tout en établissant des permissions de base pour le consentement de l’utilisateur.
La possibilité d’instituer un système bancaire ouvert à titre de catalyseur pour l’innovation financière est actuellement envisagée à l’étendue de l’écosystème canadien. Pendant que ces travaux se déroulent, l’industrie et les gouvernements concertent leurs efforts pour répondre à d’importantes questions concernant la structure et la mise en œuvre d’un cadre canadien, y compris celles portant sur la façon de créer une expérience transparente et évolutive pour l’utilisateur, la nécessité de créer un système équitable et les caractéristiques minimales d’un écosystème viable.
Ce qu’Interac a appris au sujet d’un système bancaire ouvert
L’équipe de Laboratoires d’innovation et Nouvelles entreprises d’Interac a étudié la mise en œuvre de systèmes bancaires ouverts à l’échelle mondiale afin de mettre en lumière les options qui pourraient convenir à un contexte canadien. Nous avons également effectué des études auprès des consommateurs pour comprendre leur point de vue au sujet des incidences potentielles d’un tel système sur eux.
Nos études ont démontré que les consommateurs sont conscients des avantages potentiels d’un système bancaire ouvert. Cinquante-quatre pour cent des répondants affirment que l’accès à une nouvelle option pour le partage des données financières serait « très avantageux » pour les consommateurs canadiens. Certains d’entre eux comprennent intuitivement le potentiel d’approbation plus rapide de nouveaux produits financiers, ou la capacité de pouvoir prendre connaissance de leur situation financière globale à un endroit unique.
En ce qui concerne leurs perspectives générales sur le partage des données, trois quarts des Canadiens croient que la possibilité de voir et de contrôler leurs données financières serait « très avantageuse ». Neuf Canadiens sur dix considèrent important de pouvoir contrôler leurs données financières et estiment qu’ils devraient avoir la possibilité de choisir de partager ou non leurs données avec des tierces parties.
De même, nous avons appris que les consommateurs tireraient grandement parti d’une meilleure compréhension des avantages d’un système bancaire. Certains ont une compréhension limitée des avantages de ce dernier et de son fonctionnement. De plus, bon nombre de consommateurs ont des questions sur la sécurité, la confidentialité et la responsabilité (par exemple, qui paiera si un problème survient?).
La clé de la réussite d’un système bancaire ouvert réside dans l’anticipation des questions des particuliers et des entreprises et la capacité d’y répondre. Pour favoriser la confiance des consommateurs à l’égard de ce système et préconiser son adoption, il faudra adopter une approche proactive en organisant des campagnes d’éducation et de sensibilisation et en effectuant des sondages auprès de l’industrie.
Les quatre principes d’un système bancaire ouvert au Canada
Notre équipe a résumé les résultats de notre étude pour élaborer les quatre principes qui, à notre avis, seront essentiels à l’établissement d’un système bancaire ouvert au Canada.
- Des propositions de valeur robustes. Des cas d’utilisation et des produits convaincants favoriseront l’adoption d’un système bancaire ouvert par les consommateurs, les entreprises et d’autres parties prenantes de l’industrie.
- Une expérience conviviale et fiable entourant le contrôle des données et le consentement à les utiliser. Un système bancaire ouvert devrait prévoir des processus transparents, uniformes et simples à l’égard du contrôle et du consentement liés à l’utilisation et à l’échange des données. Ce processus doit reposer sur des éléments de confiance pour veiller à ce que les consommateurs sachent à quoi s’attendre et soient convaincus que leurs renseignements sont dûment protégés.
- Un équilibre entre la commercialisation et le risque. Le cadre du système doit encourager la participation tout en limitant les coûts et les risques de cette dernière, et il devrait viser à ne pas avantager de façon disproportionnée un participant ou un rôle donné.
- Surveillance réglementaire, confiance et sensibilisation des clients. Des mécanismes de consentement simplifiés et des outils de gouvernance pourraient éliminer les « mauvais joueurs », favorisant ainsi la transparence et la confiance.
Grosso modo, ces quatre principes concordent avec les recommandations du Comité consultatif sur un système bancaire ouvert.
Il y a d’autres facteurs à envisager pour veiller à ce qu’un système bancaire ouvert crée de la valeur et des occasions pour toutes les composantes de l’équation au Canada, et à ce qu’il soit juste et réciproque pour toutes les parties. Par exemple, comment peut-on s’assurer qu’un système bancaire favorise l’accès à des services avantageux pour les Canadiens qui sont défavorisés par l’offre actuelle ou qui ont des antécédents financiers limités?
La réussite du modèle dépendra de l’accès des Canadiens à des façons claires et uniformes de gérer les requêtes de données, ainsi que de l’élaboration de propositions de valeur robustes reposant sur les besoins des utilisateurs. Les Canadiens doivent comprendre les avantages d’autoriser le partage de leurs données et croire que ce partage repose sur un échange équitable. La confiance, qui est inhérente à ce processus, doit être méritée au fil du temps.
Ces valeurs — équité et confiance — sont essentiellement canadiennes. Si nous veillons à les intégrer au cadre, nous serons en voie d’établir un système bancaire ouvert efficace au Canada.
Un dialogue avec l’industrie sera nécessaire pour évaluer les modèles possibles et pour déterminer les pratiques les mieux adaptées aux besoins des consommateurs du pays. Le dialogue est également important pour faire en sorte que tout cadre établi au Canada soit viable et avantageux pour toutes les parties prenantes.
Mon équipe et moi nous affairons à comprendre la structure potentielle d’un système bancaire ouvert de conception canadienne. Nous avons récemment réuni un groupe de six leaders de l’industrie pour poursuivre ces entretiens.
En 2021, Interac entrevoit la possibilité de fusionner les institutions financières canadiennes et la communauté des finances technologiques afin de former un écosystème minimum viable (MVE) en matière de services bancaires ouverts. Ce MVE doit reposer sur un consentement clair, simple et transparent, lequel est à la base de tous les partages de données financières. Notre participation collective à la création d’un MVE ouvrira la voie à la portabilité des données et habilitera les Canadiens à prendre leurs données en main – le tout pour le bien de notre société.
Si vous aimeriez en savoir plus sur nos études au sujet de la création d’un système bancaire ouvert ou avez des commentaires sur l’établissement d’un écosystème minimum viable au Canada, n’hésitez pas à m’envoyer un courriel à innovation@interac.ca.
À propos du sondage
Interac Corp. a demandé à Navigator d’effectuer un sondage en ligne auprès de 2 000 titulaires de cartes bancaires canadiens de 18 ans et plus; celui-ci a eu lieu du 30 mars au 1er avril 2020. Le quota de l’échantillon était représentatif des titulaires de cartes bancaires au chapitre de l’âge, du genre et des régions; après leur collecte, les données ont été pondérées pour que l’échantillon soit aussi représentatif des niveaux d’éducation.