Au cours des 12 derniers mois, plusieurs événements nous ont poussés à réévaluer notre perception de la confiance des consommateurs, des opérations commerciales et des politiques gouvernementales.
En 2021, les chaînes d’approvisionnement – déjà confrontées à une demande sans précédent – ont subi encore plus de pression en raison d’événements météorologiques majeurs, de l’augmentation du nombre de cas de COVID-19, qui a entraîné la fermeture des industries des matières premières et de la fabrication à l’échelle mondiale, et même du blocage du canal de Suez, qui a suspendu 12 % du transport mondial pendant 6 jours. Les consommateurs et les entreprises du Canada continuent de ressentir les répercussions de ces perturbations dans la chaîne d’approvisionnement.
Parallèlement, les entreprises multinationales et les gouvernements ont fait l’objet de demandes continues sur les plans des pratiques environnementales, sociales et de gouvernance. Les consommateurs consciencieux ont exigé que les entreprises et les gouvernements prennent davantage de mesures, notamment pour assurer la justice syndicale et raciale, et améliorer les politiques environnementales et économiques.
Dans le monde financier, des investisseurs individuels ont démontré leur pouvoir en investissant dans des actions stimulées par des discussions sur les médias sociaux, causant un bouleversement des plateformes et des négociateurs conventionnels et accentuant les tensions entre les investisseurs, les législateurs et les organismes de réglementation.
Malgré ces défis et ces tensions, le pays s’est également uni pour affronter une menace commune pour l’humanité : une pandémie qui persiste. Les grandes sociétés pharmaceutiques, les intervenants du secteur public et les organisations au-delà de celles du secteur de la santé se sont mobilisés pour assurer la production de masse, l’entreposage et le déploiement des vaccins contre la COVID-19 auprès de la population, redonnant ainsi espoir dans les milieux sociaux et économiques. Ces exemples illustrent comment nous sommes tous liés sur les plans individuel, institutionnel et sociétal. Ils montrent également la façon dont les entités des secteurs privé et public doivent travailler ensemble afin de créer des conditions équitables et transparentes qui sont nécessaires à la prospérité des particuliers et des entreprises.
La volatilité et l’incertitude de 2021 se poursuivront cette année. Les perturbations sont une réalité inévitable, ce qui intensifie l’urgence d’accélérer l’innovation et les nouveaux modèles d’affaires. Dans les pages qui suivent, plusieurs leaders d’Interac donnent leur point de vue sur ce qui devrait figurer au calendrier en 2022 pour que le Canada puisse évoluer avec succès.
La prospective stratégique au service de notre avenir collectif
Kashmera Self, vice-présidente adjointe, Stratégie et solutions en émergence
Une façon typique de planifier l’avenir consiste à examiner des considérations actuelles, à évaluer les données, puis à projeter le résultat attendu, en tenant compte d’une marge d’erreur généralement convenue. Bref, la prévision consiste à deviner avec un certain niveau de certitude.
La prospective, en revanche, repose sur la prémisse que l’avenir est tout sauf prévisible – une réalité que les deux dernières années ont particulièrement démontrée. Pour qu’une organisation et une industrie puissent se diriger vers un avenir souhaité, même en cas de perturbation, elles doivent assurer une préparation. En surveillant et en repérant les signaux faibles (les signes précoces de changement), les tendances et les forces, nous pouvons établir divers scénarios plausibles et déterminer comment les actions d’aujourd’hui peuvent influencer leur déroulement futur.
Nous continuons d’observer une croissance exponentielle des technologies numériques. Un rapport de 2017 indique qu’il y aura plus de 125 milliards d’appareils connectés d’ici 2030 (en anglais seulement). Ce chiffre est probablement encore plus élevé aujourd’hui compte tenu de l’adoption accrue du numérique au cours des deux dernières années. La quantité de données que nous générerons, en zettaoctets, par l’utilisation de ces appareils sera stupéfiante.
Cette richesse croissante de données, si elle est correctement utilisée, a le potentiel incroyable d’améliorer le bien personnel et social, qu’il s’agisse d’aider les personnes ayant des limitations physiques à gérer leur domicile grâce à l’utilisation de capteurs, de dresser à un prêteur le portrait complet d’un emprunteur afin qu’il soit traité équitablement, ou d’appuyer des décisions importantes touchant les politiques. Nous pouvons dégager des tendances grâce à des évaluations du marché et à des sources conventionnelles – comme les revues universitaires, les publications de l’industrie, les dépôts de demande de brevet et ainsi de suite – mais aussi grâce à des sources non conventionnelles, comme Drip et Discord. La façon dont nous recueillons, partageons et traitons les données pour détecter les signaux faibles tôt a des répercussions sur la prospective dans toutes les activités humaines – dans notre façon de vivre, de travailler et de jouer, et ce, pour de nombreuses années à venir.
Les données sont dynamiques; de nouvelles informations sont constamment créées et changent donc d’état. Aujourd’hui, les organisations qui détiennent le plus de données sont celles qui en récoltent les fruits. Plus il y a de données, plus la récompense est grande, car les ensembles de données originaux acquièrent encore plus de valeur. Ainsi, la position de ces organisations s’affermit davantage, créant un marché moins concurrentiel. Pour cette raison, les données doivent être traitées comme un bien public (sauf, bien sûr, les données à caractère personnel, pour lesquelles les consommateurs ont des droits). Nous avons besoin que les décideurs utilisent les données dans l’intérêt du public. Nous devons comprendre comment les technologies perturbatrices entraîneront des changements dans les activités humaines et d’importantes répercussions sociales, comme dans la façon dont nous nous identifions et communiquons, dans la façon dont nous comprenons notre monde et prenons des décisions collectives, et dans la façon dont nous interagissons les uns avec les autres et avec notre environnement. L’industrie, le milieu académique et les décideurs seront davantage en mesure de comprendre comment agir dans le présent tout en préparant l’avenir.
Depuis beaucoup trop longtemps, le Canada agit en spectateur qui cherche des indices auprès d’autres administrations et qui se tient au bord du précipice du changement. Cependant, il possède aussi une culture d’ouverture et d’acceptation, ce qui peut donner lieu à des occasions importantes. L’utilisation des technologies émergentes en vue d’améliorer la prospective nous préparera à un avenir plus concurrentiel et nous positionnera en tant que pionnier dans la création d’un environnement concurrentiel pour le succès de notre pays.
Faire évoluer la réglementation à une autre phase
Phil Pellegrini, vice-président adjoint, Réglementation et Innovation
À mesure que l’innovation numérique perturbe notre manière d’interagir avec les autres, les écosystèmes numériques et des économies entières, les coûts réglementaires des affaires n’ont jamais été aussi élevés, et ils augmentent à un rythme alarmant. Le temps et les ressources autrefois consacrés à la création de produits qui charment les clients sont maintenant trop souvent consacrés à la compréhension des nouvelles règles ou au déchiffrement de l’ensemble incohérent de règlements.
Les analystes de l’industrie et les leaders d’opinion soutiennent que les lois, les règlements et les règles sous forme de directives accessoires semblent être de plus en plus nombreux et sont très souvent excessifs. Autrement dit, les règlements désuets et la lourdeur de la bureaucratie traditionnelle constituent une forme d’imposition des sociétés. Cela est vrai dans le domaine de la réglementation financière, où certains cadres réglementaires actuels datent de bien avant la crise financière de 2007 – la même année où Steve Jobs a lancé son iPhone révolutionnaire et où notre utilisation quotidienne de la technologie a changé à jamais.
Cependant, comment élaborer une réglementation efficace et réfléchie sans nuire à l’innovation et au progrès? Où se trouve le juste équilibre? La solution consiste-t-elle à passer d’une réglementation prescriptive et fondée sur des règles à une réglementation fondée sur des données et des principes? La réponse varie évidemment selon les opinions.
La bonne nouvelle, c’est que les efforts de réforme de la réglementation semblent être en cours. Selon une publication récente de l’OCDE, nous sommes en train de repenser la réglementation en l’axant sur la coopération internationale et, plus important encore, sur un engagement accru des parties prenantes. De nombreux décideurs et organismes de réglementation changent lentement leur façon de voir les choses, passant d’un modèle « décider et oublier » à un modèle « apprendre et évoluer ».
Pour que l’innovation prenne racine au Canada, nous avons besoin d’une plus grande transparence et d’un dialogue franc entre tous les intervenants, y compris les organismes gouvernementaux et les entreprises privées, ainsi que d’autres acteurs de l’industrie. Heureusement, ces nouveaux partenariats proactifs et coopératifs gagnent déjà en importance.
Alors que nous continuons de faire face aux répercussions de la pandémie sur notre économie et notre société, le moment est bien choisi pour repenser nos cadres réglementaires actuels et trouver un équilibre réglementaire afin de ne pas étouffer l’innovation. Comme E. A. Bucchianeri l’a écrit dans son roman Brushstrokes of a Gadfly, « ce n’est pas la curiosité qui a tué l’oie à l’œuf d’or, mais une cupidité insatiable qui dévorait sa raison ».
La mobilisation des écosystèmes pour améliorer l’accès et l’équité
Karen Deng, directrice, Innovation & Écosystème
Face à l’imprévisibilité qui perdure, nous devrons créer les conditions propices à une innovation qui profitera à un plus grand nombre de personnes. Les écosystèmes d’innovation sont des réseaux vaguement interconnectés composés de milieux académiques, de gouvernements, d’entreprises, d’accélérateurs de démarrage, de fondations, d’entrepreneurs et de particuliers. Ces entités créent de la valeur en accélérant le développement et la commercialisation de nouveaux produits et services. Le flux actif de l’information et des idées entre les participants peut transformer des avenirs lointains en réalités actuelles. Grâce à ces écosystèmes, nous pouvons trouver et exploiter de nouvelles idées, aider à diversifier l’économie et accélérer la mise en place de solutions aux problèmes réels.
De même, l’avènement du Web 3.0 permettra aux personnes, aux entreprises et aux machines d’échanger de la valeur, de l’information et des connaissances à l’échelle mondiale grâce à des algorithmes d’apprentissage automatique efficaces qui mèneront à l’émergence de marchés fondamentalement nouveaux et de modèles d’affaires connexes.
L’accès à l’information et aux plateformes permet la prise de décisions, l’échange d’idées et, ultimement, la croissance. Avec les bons modèles de gouvernance et les bons partenariats, les organisations peuvent démocratiser l’accès, changer l’économie de l’industrie, élaborer des écosystèmes de collaboration riches et créer des possibilités.
Cette perturbation entraîne des vagues d’occasions, permettant aux technologies qui améliorent la vie de devenir plus accessibles, abordables et personnalisables. Au cours des dernières années, nous sommes devenus de plus en plus conscients de la façon dont les gens sont exclus des systèmes qui permettent l’accès non seulement aux services financiers, mais aussi aux applications et aux services nouveaux et novateurs qui composent l’économie numérique.
Si rien n’est fait, ce fossé s’accentuera, même si l’on sait que l’équité et la pleine participation stimulent la croissance. Nous devons adopter une approche axée sur les citoyens et les écosystèmes, et créer les bons modèles et systèmes afin d’améliorer l’accès. Ainsi, au bout de la ligne, nous favoriserons les solutions novatrices et stimulerons la prospérité sociale et économique.
La collaboration dans la création et la commercialisation
Dinaro Ly, chef des Partenariats d’innovation
Pour répondre aux besoins en rapide évolution des consommateurs et des petites entreprises dans le contexte actuel, nous devons collectivement tirer pleinement parti de la force et du potentiel des technologies émergentes. Plus précisément, nous devons développer une méthodologie qui réunit divers intervenants pour partager, créer conjointement, répéter et, en fin de compte, commercialiser de nouvelles solutions.
Cette approche doit dépasser les limites des anciens modèles de partenariat bilatéral et doit adopter des méthodes de partage, de collaboration et de co-création non conventionnelles et multilatérales impliquant divers intervenants. Cela comprend les intervenants de l’industrie et de l’extérieur de celle-ci, y compris les organismes de réglementation et les organes législatifs du gouvernement.
Que ce soit dans le domaine des soins de santé, de la robotique, de l’informatique ou des technologies durables, le Canada a une réputation bien établie pour ce qui est de tirer parti de la force des partenariats entre les entités publiques et privées dans la création et la commercialisation rapides de l’innovation.
Pour sa part, Interac est une clé de voûte lorsqu’il s’agit de réunir les intervenants dans le cadre d’initiatives essentielles dans des domaines comme les paiements, le consentement et le système bancaire ouvert – des initiatives importantes qui ne peuvent être entreprises par une seule organisation. Si les acteurs de l’économie canadienne de l’innovation dans son ensemble collaborent sur ces possibilités, ils créeront collectivement des conditions propices à la prospérité de la population, de la planète et du profit.
Au moyen d’une approche fondée sur un « écosystème minimum viable », nous réunissons un petit sous-ensemble de partenaires. Ensemble, nous cherchons à influencer, à créer conjointement et à élargir les connaissances collectives sur les nouvelles tendances, puis à transmettre ces connaissances et les résultats aux intervenants pertinents. Nous encourageons ainsi une plus grande collaboration entre les secteurs et entre les partenaires pour trouver une solution commune, c’est-à-dire développer des réseaux stratégiques et créer un secteur de l’innovation pancanadien plus fort. La tâche est monumentale, mais nous maintenons un optimisme prudent dans notre avis qu’avec la bonne dose de courage et de collaboration, nous pourrons arriver à fournir une gamme de produits et de services plus accessibles et diversifiés à toutes les personnes et à toutes les petites entreprises du Canada.
La recherche du bien commun
Oscar Roque, vice-président, Stratégie et solutions en émergence
À l’aube de 2022, l’incertitude demeure un thème récurrent. Toutefois, lorsqu’elle est gérée de la bonne façon, une grande incertitude occasionne de grandes possibilités. Ces possibilités peuvent provenir de multiples vecteurs – sociaux, technologiques, économiques, environnementaux, politiques et de valeurs. Les grandes tendances, comme le système bancaire ouvert, l’émergence de nouveaux actifs numériques comme les cryptomonnaies des banques centrales et les jetons non fongibles, les métavers, l’individualisme, la communauté et finalement le Web 3.0, changeront la façon dont nous apprenons, comprenons le monde qui nous entoure et interagissons avec lui.
Il ne s’agit pas de prédire l’avenir. Il s’agit de se tenir prêt. Pour s’adapter, réagir et gérer, il faut un équilibre prudent entre les bons cadres, les modèles de mobilisation appropriés et l’approche adéquate. Nous devons fusionner ces composantes pour stimuler l’innovation, mais aussi les exploiter pour le bien de la société.
Dans un climat d’incertitude, nous devrions viser des objectifs communs, c’est-à-dire atteindre l’équité, la bonne gouvernance et des avantages durables dès le départ ainsi qu’éliminer les obstacles dans les systèmes existants. Ce n’est qu’alors que nous pourrons obtenir de meilleurs résultats pour la société et l’économie, en plus d’ouvrir la voie à nos futurs dirigeants.